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Chapitre 3 partie 3
La difficulté engendrait la prise de conscience. Eau dormante, Florence découvrait en elle l’orage. Une sorte de nausée la gagnait. Elle avait honte d’elle-même, honte de sa faiblesse, de son incapacité à lui dire son désir de le revoir et de l’aimer.
– Donnez-le moi. Et choisissons un code. Voyons… Il nous faut un nom imaginaire…
– Manon.
– Parfait, Manon. Peu après, Charles vous déclare que « c’était un type qui demandait une certaine Manon ». Vous saurez que c’était moi et que je vous rappellerai plus tard. Si je ne vous rappelle pas, vous n’aurez que vos beaux yeux pour pleurer.
– Mes beaux yeux ne pleurent pas. Je n’ai plus vingt ans. Je ne pleure qu’aux décès, et encore…
– La mort ne doit pas faire pleurer, il vaut mieux pleurer pour des choses moins banales.
– Quoi, par exemple ?
– L’absence, la disparition (la disparition qui n’est pas la mort), l’impossibilité de suivre le chemin qu’on s’est choisi, les galaxies inabordables…
Elle était gênée. D’un air insouciant, elle examina le galbe de sa main tenant le verre, puis celui de ses jambes. A quoi jouait cet homme ? Jouait-il à l’impénitent séducteur ou au gandin ? Que cherchait-il ?
– J’ai peur de vous ennuyer…
Florence essaya l’honnêteté :
– Vous ne m’ennuyez pas, vous me mettez mal à l’aise…
– Je ne vous inspire pas confiance ?
– Mais non…, maugréa la jeune femme, agacée. Je pourrais, moi aussi, vous raconter des mensonges, m’être inventé un personnage, avoir imaginé ce Céans, ce petit ami…, pour vous plaire ou vous déplaire…
Elle aperçut tout à coup Charles au loin, avançant de sa démarche assurée, mâle, dans le centre de Salon. La ville, le ciel, le café, le goût de son breuvage, tout, soudain, lui parut blafard, indigne de toute attention. Elle poussa un petit soupir.
– Voici Charles justement.
Romain Taniani se leva avec brusquerie. Elle le regarda, un peu étonnée. Avait-il besoin de fuir ? Il lui sourit, vif et enjôleur. « Adieu, amie », chuchota-t-il et il s’en alla, sans courir, mais vite, très vite. Rêveuse et indécise, elle observa ce départ.
Charles arriva près d’elle.
– Qui était cet homme ? dit-il en prenant la place de Romain Taniani.
Florence haussa les épaules.
– Oh ! personne… Une espèce de marchand ambulant qui essayait de me larguer des souvenirs.
(Voir la suite )
(*) Note de l’auteur : Compliquée, n’est-ce pas, la vie sans écrans et sans téléphones portables ?…
♦ Carzon Joëlle ♦
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