Chapitre 5 partie 2

Toujours sans désir, Florence acheta une photographie de James Dean et une affiche représentant deux jeunes et jolies femmes qui se tenaient par la taille. Elles riaient, semblaient inviter leur public dans leur monde tintinnabulant. Rue Saint-André-des-Arts, Florence donna deux francs à un monsieur qui faisait marcher un orgue de Barbarie. Rue Christine, pour la centième fois, elle admira une collection de grenouilles dans une mystérieuse vitrine qui n’appartenait à aucun commerce, et elle eut une prière muette pour Apollinaire. Tant de pas de jadis , tant de poèmes ressassés, tant de chansons et redites, de chance, de malchance, de rencontres, de films appris par cœur, d’élans, de rejets, de goûts et dégoûts, tant de souvenirs… Dans ce quartier, elle s’était si souvent promenée avec Eliane et Pierrot, avait vu un si grand nombre de films avec Charles…

Fatigué de trop de films, son compagnon avait dit un jour que le cinématographe était “une redondance pour intellectuels pauvres“. Florence avait protesté, s’était fâchée, puis avait haussé les épaules : qu’il pense ce qu’il veut ! Vivre avec des souvenirs d’images éclairs est préférable au partage d’une vie avec un réveille-matin, un homme qui ne change pas et les plats du soir. L’aspect revêche et disproportionné du caractère de Florence ressurgissait face à la mauvaise foi de Charles. Elles provoquaient son côté rancunier et la jeune femme éprouvait une certaine jouissance à cultiver sa rancune. Si Charles tournait le dos au rêve, elle regrettait le concret et sa triste sagesse. Mieux vaut nager dans l’illusion que dans la soupe au raisonnable. La droiture de son compagnon était mature… et assommante. Les adultes tuent les petits chats et font la guerre. A vingt ans, on récite et on écrit des poèmes, à trente on les déchire et on construit sa maison. Si les poèmes sont bâtis sur du mystère un peu vide, la maison est construite sur les pierres creuses de l’âge mûr. Déterminé, Charles avait construit sa maison. Intransigeante, Florence allait rue Christine et priait pour son poète.

“Que Dieu te garde, Guillaume, que Dieu te réchauffe en son sein. Rue Christine, j’ai imaginé pour toi une église. C’est mon église. Quand je vais à Paris, je viens là dire ma prière et je porte une “robe noire comme ses ongles”…”

Florence se promena tout l’après-midi. Ce fut une journée syncopée d’achats divers, livres, cartes postales nostalgiques, vêtements… Elle faiblit devant une robe.

Robe noire comme ses ongles…

La tête dans le ciel de Paris, Florence ne pensa plus à Céans, au rendez-vous avorté. L’oubli est une grâce.

*

La jeune femme dîna dans une pizzeria à côté d’un couple américain. Ne pouvant résister, elle montra la robe noire. L’Américaine caressa la fausse soie, fit de bruyants compliments ; le mari eut de grands éclats de rire et offrit un Irish coffee.

Elle était un peu ivre en sortant du restaurant. Sans même en avoir conscience, elle prit la direction de la place Fürstenberg. Elle se souvenait de l’été précédent : deux musiciens d’une quarantaine d’années étaient là, l’un blond l’autre brun, tranquillement installés. Le blond chantait, tous deux jouaient de la guitare. Le chanteur avait une voix paisible, on le sentait sûr de son timbre et de la beauté profonde de ses chansons. Il possédait la silhouette lourde et rassurante des paysans. Sa voix avait été inventée tout exprès pour “le Temps des cerises”. Rien ni personne n’aurait pu l’empêcher de chanter. Sa carrure épaisse et sa voix chaude reposaient l’âme agitée de Florence.

Elle les retrouva au même endroit, toujours aussi calmes et souriants. L’homme blond chantait une mélodie inconnue, d’une délicieuse tristesse :

“Toi venu de si loin pour rechercher l’enfant,
L’arbre n’a pas bougé mais l’enfant a grandi ;
Toi venu de si loin pour parler de jadis,
Le beau jadis de nos baisers
De paradis et de brillant…”

L’homme brun, réservé et discret, se contentait de jouer de la guitare en regardant son partenaire.

“Toi venu de si loin”, disait le refrain… Une main se posa sur l’épaule de la jeune femme.

– Comme vous êtes patiente !

Romain Taniani était derrière elle. Il avait le visage grave et sa tenue était anormalement négligée. Si Florence ne s’était pas bien souvenu de ses yeux, elle l’aurait reconnu avec peine.
-… A chaque fois que nous nous rencontrons, je dois m’excuser. Je suis désolé. Je n’ai pu venir ce midi pour des raisons… professionnelles. Ce soir, je suis passé, à tout hasard, et vous êtes là… Merci, Florence.

Un bonheur immense envahit la jeune femme. Elle ne dit rien et ils regardèrent les musiciens. Romain rompit le silence :
– Je les vois chaque été.
– Moi aussi, murmura Florence.
– Alors, nous aurions déjà pu nous rencontrer. Avant le train…
– Ils viennent du Sud, j’en mettrais ma main au feu, et l’été ils font les baladins.
– Qu’avez-vous dans ce grand carton ?
– Une robe noire.
– Oh ! mettez-la.
– Ici ?

Il s’approcha, défit le premier bouton du manteau, glissa sa main, la posa sur son cou et attira Florence à lui pour l’embrasser…
– Votre peau est bien perdue dans tout ce blanc, dit-il après le baiser.
– Vous n’aimez pas ?
– Le blanc, non. La peau nue, oui. J’ai hâte de voir toute la peau nue…

Il souriait, à nouveau taquin. L’impression d’inquiétude qu’elle avait ressentie tout à l’heure lorsqu’il était apparu s’évanouit.

Il l’entraîna dans un hôtel du Quartier latin. Il admit n’avoir pas de domicile fixe. Cela le faisait rire. Dans la chambre, il lui demanda de porter la robe et elle jouit sous le tissu noir.

*

“ Ma douce, re-pardon ! J’ai reçu un appel urgent et suis contraint de m’absenter pour la journée. Ce soir, vingt heures : hôtel de la Couronne. Avenue Charles-de-Gaulle, Neuilly. Florence, je t’embrasse. Je vous embrasse, amour. Romain.”

A son réveil, elle lut le mot griffonné. Son corps était reposé et heureux ; pourtant l’angoisse l’étreignit à cette lecture. Malgré la sincérité du message, elle craignait l’inattendu et les soubresauts de l’existence de monsieur Taniani. Elle les avait expérimentés. Romain semblait avoir un emploi du temps endiablé. Une femme ne le régulariserait pas. On ne pouvait dire qu’elle en prenait son parti, car au fond d’elle-même Florence était aux anges d’avoir rencontré un homme aussi imprévisible que Charles était prévisible. Romain lui manqua, mais ce qu’il lui avait donné remplissait déjà l’espace des songes. Elle se leva, s’étira voluptueusement, s’habilla (exit la blancheur de la veille) et sortit de l’hôtel pour se diriger en flânant vers la Seine.

*

Un portier en tenue était posté devant l’hôtel de la Couronne. Née dans une famille de la classe moyenne, Florence eut un geste d’impatience et de déplaisir. Le luxe la narguait. La plus grande des provocations à ses yeux était l’étalage de la richesse. Elle appartenait à cette génération pour laquelle un homme riche est obligatoirement un voleur et un escroc. On devait mépriser, vomir même, l’argent ostentatoire. Charles et elle étaient des gens simples, leurs amis aussi. Eliane et Pierrot, qui “vivaient bien”, ne parlaient jamais d’argent. Ils possédaient une Deux-Chevaux et un appartement modeste. Les bijoux en toc ou les excentricités vestimentaires d’Eliane faisaient grimacer Florence. Les malices de la mode sont coûteuses.

La tête haute, la jeune femme passa devant le portier de l’hôtel. Elle ne se laisserait pas impressionner par les maîtres d’hôtel des maffias au pouvoir. Une créature de rêve (grande et blonde naturellement) lui dit avec
le sourire de la future Deneuve que “monsieur Taniani attendait mademoiselle au salon de la Palmeraie”. La Palmeraie ! La “Palmeraie” à Neuilly-sur-Seine… Il ne manquait plus que le butler vieux et stylé qu’on voit marcher à pas feutrés dans les films noirs des années 40. Une fille de général allait surgir, réclamant avec insolence une cigarette à Romain Taniani…

Romain Taniani… A “la Palmeraie”, il s’avança vers elle, l’accueillant avec le visage ouvert et lumineux du propriétaire. “Ah, vous voici, chère Florence !…” Il appuyait sur le “chère”. C’était fait avec un coquin clignement des paupières et avec un tel art de la comédie, une telle décontraction, que Florence glissa dans l’acceptation totale du jeu. Souriante, elle approuva (par son attitude) l’accueil qu’elle recevait ; elle approuva ensuite les lieux, les gens qui y circulaient et cette exhibition de loisir affairiste.

– Cher Romain, quel endroit charmant pour un rendez-vous !

Il portait un costume clair de coupe impeccable et des chaussures blanches. Comme par magie, il avait changé d’apparence et de comportement. La veille inquiet et négligé, aujourd’hui joyeux, détendu… et très aristocratique.
Elle regarda ses chaussures d’un air réprobateur.
– Elles ne se marient pas tout à fait avec le reste, murmura Florence.
– Vous prétendriez détester le blanc !… Nous avons les mêmes goûts…, les mêmes dégoûts dirais-je.
– Nous continuons à nous vouvoyer ?
– Cela vous déplaît ?
– Non, c’est très bien, monsieur Taniani.

Dans le salon, immense, des palmettes décoraient et bordaient une baie vitrée s’ouvrant sur une maigre pelouse.
– Le salon est luxueux, constata Florence, mais le jardin n’est pas luxuriant.
– C’est Neuilly : tout le monde ne peut posséder le bois de Boulogne.
– Et vous, monsieur Taniani, que possédez-vous ?
– Une valise, des chaussures blanches… et Manon.
– Ai-je une ou des rivales ?
– Il n’y a de rivalités que dans la pègre… Asseyez-vous, Florence, c’est notre table.

Des palmettes les séparaient des tables voisines. Une photographie marine, sans aucun bateau ou ponton, cachait entièrement le panneau opposé. Cette vision d’une fausse mer plut beaucoup à la jeune femme. Elle était si lasse des cailloux et des collines de Céans… Plus de questions… Elle avait assez posé de questions à cet homme. Peu importait. Les possessions de Taniani ou ses éventuelles rivales n’avaient pas de poids dans ces instants d’insouciance et de bonheur.
– Florence, nous allons dîner avec une troisième personne… Je vois votre moue déçue : je suis désolé. Je n’ai pu éviter quoi que ce soit ce soir.
– Qui est-ce ?
– Un garçon de ma connaissance. Un jeune ami. Il s’appelle Xavier. Très sympathique… Sa jeunesse excuse tout.
– Excuse quoi ?

Le prénommé Xavier arriva à ce moment-là. Il était en effet très jeune, entre dix-huit et vingt ans. Ses cheveux blonds étaient coupés ras. Il avait des vêtements propres, mais mal adaptés à son long corps. Ses gestes nerveux ponctuaient des paroles brèves. On n’entendait que la moitié de ses mots. Il n’inspirait guère la sympathie.

Xavier s’assit après une espèce de courbette qui gêna Florence. Un plat de saumon fumé fut servi. Ravie, la mine gourmande, la jeune femme pressait son citron. Romain dévorait, mais elle s’aperçut très vite que Xavier n’avait pas faim. Le garçon observait le couple avec curiosité.
– Alors, tu as une femme…, dit-il.

C’était une tonalité ébahie.
– Non, répliqua Romain, Florence est la femme d’un autre.

Il riait.
– Ce n’est pas bien.

Florence releva la tête. Le garçon semblait sincèrement choqué.
– Allons, allons… dit Taniani d’une voix conciliante, ce sont des choses qui arrivent.
– C’est moche, persista l’autre. Dans les familles italiennes, on ne le fait pas.

Florence regarda ses cheveux blonds et sa physionomie pâle et irritée. Elle ne put s’empêcher de le taquiner.
– Vous n’avez par l’air italien, Xavier !
– Si, si… je vous assure ! Je suis italien. Comme Romain.

Il avait parlé avec fierté. La jeune femme se sentit émue par sa jeunesse et ces honnêtes déclarations.
– Vous avez l’intransigeance de votre âge, décréta-t-elle.
– Vous êtes jeune aussi.
– Moins jeune.
– Bientôt grand-mère ! plaisanta Romain.
… Vous aurez une histoire à raconter à vos petits-enfants, ajouta-t-il en aparté.
– Etes-vous étudiant ? demanda Florence à Xavier. (Elle en doutait fort.)
– Je travaille, répondit le garçon, l’œil sombre.
– Dans quelle branche ?
– Je travaille avec Romain. Dans l’industrie.
– Ce saumon est parfait, dit monsieur Taniani.
– Ah ?… (Florence devinait que le sujet devait être abandonné.)
– Nous faisons des études de terrain.
– Dans le Sud de la France ?…
– Oui.

Xavier se mit à grignoter le poisson. Il mâchait tristement.
– Je vous explique, Florence, dit Romain. Nous détournons des sources là où doivent être implantés des déserts. Xavier est mon homme de main. Quand un berger proteste, je lui donne l’ordre de le jeter dans un ravin. C’est un métier qui exige la force physique… Pour cette raison, ajouta-t-il, sévère, Xavier devrait manger avec plus d’appétit.
– Pas faim, maugréa le garçon.
– Et vous étudiez les journaux locaux avant vos études de terrain…
– Je suis très mécontent de cet hôtel, déclara Romain, paraissant ne pas avoir entendu. Pour cette petite fête intime, du caviar aurait dû nous être servi. Le saumon, c’est un apéritif de prolo.
– Je suis une prolo, dit Florence, le saumon me convient tout à fait.
– Je hais les prolos.

Xavier avait parlé avec une haine réelle. Il repoussa son assiette. Voyant que Florence le regardait, mi-inquiète mi-interrogatrice, il reprit en souriant -c’était son premier sourire- :
– Je ne parlais pas pour vous. Je pensais… au passé disons. Vous, vous avez une gueule convenable.
– Convenable ! soupira Florence.

Tous trois se mirent à rire et les plats suivants arrivèrent alors qu’ils se détendaient et commençaient à bien s’accorder.
Florence comprenait mal l’association Romain-Xavier… ou plutôt ne comprenait pas la disparité entre les deux personnages, l’un (Xavier), jeune, hésitant, d’apparence neurasthénique ; l’autre, la quarantaine, sûr de lui, rieur et plein d’humour. Elle observait avec intérêt le comportement de Xavier et s’aperçut que ce garçon lui inspirait de la pitié. Il était curieux que Romain Taniani eût choisi la complicité de cet être indécis… et malsain. Mais Florence n’avait pas forcément une façon très objective de juger.
Quand il sut que Florence venait du Sud, Xavier demanda si elle était l’épouse d’un industriel. Mi-figue mi-raisin, la jeune femme répondit qu’elle était la petite amie d’un berger et le garçon se désintéressa complètement de sa position sociale. Romain fit un clin d’œil.

– Xavier cherche à bien se caser.

Le nez dans son assiette, Xavier semblait bouder.
– Mieux vaudrait retourner à l’usine ! dit-il.
– Avez-vous travaillé en usine ? demanda Florence, surprise.

La jeunesse du garçon ne pouvait pas dissimuler un si lourd passé…!
– Xavier a presque autant vécu que moi, dit Romain.
– Vécu !… -Xavier haussa les sourcils.- Il ne s’agissait pas de vivre, il s’agissait de se défendre… et de se battre. J’ai haï l’usine. Je la hais ! Tous ces minables, ces acharnés à la petite semaine, ces “syndicats” !

Ce dernier mot avait été craché et non prononcé.
Le discours de Xavier était plus riche, mais aussi plus violent que la jeune femme n’aurait pu s’y attendre.
– Ces “minables”, comme vous dites, avaient sans doute besoin de bosser en usine pour… simplement continuer. Tout le monde n’a pas la chance de travailler avec “monsieur” Taniani.
– On a le boulot qu’on mérite, les associés qu’on mérite…, le mari qu’on mérite, ajouta-t-il à l’attention de Florence, le regard appuyé et méprisant. Ils sont venus me chercher, avec leurs sales poings en avant, les syndicalistes, et j’étais qu’un môme !… mais c’est la matraque à la main que je les ai reçus… plus tard.

Une telle conversation dans ce bel hôtel de Neuilly avait de quoi surprendre. Florence finissait pas se sentir concernée : la méchanceté et la détresse de ce jeune homme (mais était-il si jeune après tout ?) l’émouvaient. Elle reporta sa curiosité sur Romain Taniani. Ce dernier n’écoutait pas Xavier et ne semblait s’intéresser qu’à l’appétit, au visage et aux jambes de Florence.
– Calmez-vous, dit-elle d’une voix maternelle. Tout cela est fini, n’est-ce pas ?

Xavier lui adressa un regard reconnaissant et murmura d’un ton soulagé :
– Oui, vous avez raison, c’est le passé ! J’ai eu ma période de vaches maigres, maintenant je bouffe du caviar en compagnie d’un patron correct et d’une jolie femme.
– Merci ! dit Florence en souriant. Achevons ce repas dans la gaîté…

Romain versa le champagne en gardant la main de la jeune femme dans la sienne.

*

Les hommes étaient restés en arrière. Elle se dirigea vers le vestiaire et passa devant le panneau représentant le paysage marin. Aucune présence humaine n’intervenait ; cependant… Cependant une tache sombre pouvait évoquer au moins un oiseau dans son vol. A cet endroit de la salle, on n’avait disposé aucune table.
La main de Florence fut irrésistiblement attirée vers la tache. Son doigt désigna le supposé oiseau, s’enfonça…
Une porte, que la photographie avait très bien cachée, coulissa en douceur et Florence se retrouva, trop étonnée pour réagir, devant ce qu’on pouvait appeler une vision.

C’était un jardin. Un jardin de petite fille et de grande dame. Un jardin d’autrefois. Un jardin dédié à l’enfance et au passé. Un jardin de printemps dans une ville d’hiver. Un jardin clos, secret, que quelqu’un de bien mystérieux avait soustrait aux regards du monde. On était en novembre et des fleurs jaillissaient d’un velours vert et profond. Des arbres se penchaient au-dessus d’une allée de graviers. Le paysage solitaire faisait oublier aux hôtes de ce lieu qu’ils étaient dans un restaurant, si proche de Paris. Il anéantissait le quotidien, élevait l’âme.

Florence vit des moineaux picoter sur la vasque d’une fontaine miniature. Il s’agissait sûrement d’une propriété privée, d’un lieu protégé de manière jalouse où elle ne pouvait être qu’une intruse. Figée sur le seuil de ce jardin, la jeune femme n’osait plus bouger. Elle s’attendait à tout, à ce qu’on vînt la chercher, à ce qu’on la battît ou la mît en prison.

Elle crut ensuite apercevoir, derrière toute cette beauté, l’escalier gracieux, bordé de colonnades, d’une de ces maisons bourgeoises qu’on ne trouve qu’au Parc Monceau ou à Neuilly. Ce fut l’espace d’un éclair car une main ferme s’était emparée de son épaule. Romain. Il avait un air de propriétaire furieux. La colère se lisait sur son visage soudain pâli.

– Ecartez-vous, dit-il d’une voix blême. Vous n’avez rien à faire là. Vous étiez invitée à un dîner et non invitée à jouer au flic.

Il la tira brusquement vers lui et le jardin merveilleux disparut. Ebahie et trop secouée pour éprouver quoi que ce fût, Florence tituba devant les vagues imprécises en compagnie d’un homme qui avait repris son masque joyeux.


(Voir la suite Suite)

♦ Carzon Joëlle ♦

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