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VII – Prison
(Vie de Pierre, suite)

S’il y avait eu seulement un vase de fleurs. Même de fleurs séchées. Ou, dans sa poche, la photographie d’une femme aimée…

Mais Pierre n’avait pas encore rencontré Béa, ni Lucie. Il était là, sans fleurs, sans femme, sans amis et sans famille. Il était là, assis ou debout, immobile ou marchant d’un mur à l’autre, le visage figé ou malheureux, le visage dur ou en plein abandon. Lorsqu’il se laissait aller, il dérivait sur une mer folle et inconnue, il chavirait, il avait l’impression qu’il allait sombrer, à jamais.

Pierre avait alors vingt ans.

Il fêta son anniversaire en prison, en compagnie du moins désolant de ses compagnons de cellule, Yves, qui était Témoin de Jéhovah. Il avait des traits doux, amicaux. Il paraissait équilibré aux yeux de Pierre, alors perpétuellement agité d’une fièvre dont il ne savait faire l’analyse. D’après sa Bible, dont Yves, d’une voix égale, professait la paix, l’égalité, la chasteté.

Pierre, comme par miracle, avait échappé à l’Armée de l’Air, à la Légion… On n’avait pas voulu de lui et voilà qu’au moment où il ne s’y attendait plus, il avait été appelé pour le Service Obligatoire.

Dans un accès de colère et d’orgueil, Pierre avait refusé d’obéir à un chef et de simuler la soumission. Haine de l’armée ou haine de lui-même ? Excès de lucidité ou excès de dégoût ? John Wayne, enfin, sortait de l’écran magique, se fondait dans l’univers de l’enfance. John Wayne, sur son fantasmatique cheval, s’éloignait vers un désert qui n’était ni Montrouge ni Paris, ni Lunéville où on avait emprisonné Pierre pour « insubordination » (« rébellion avec arme » en fait). Peut-être seul, oui seul l’orgueil l’avait conduit ici.

Et Pierre, vibrant d’orgueil, écoutait avec sympathie la voix douce du jeune homme lui expliquer les raisons pour lesquelles on devait refuser l’Armée : les « bonnes » raisons.

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♦ Carzon Joëlle ©

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