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XV – Trente ans !
Trente ans, nom de Dieu ! Il est temps de faire un enfant.
Les amies de Lucie « paniquaient », disaient : « J’ai bientôt trente ans », comme elles auraient dit : « Je vais mourir. » La naissance du bébé marquait la fin d’un monde, mais ne semblait pas vraiment marquer le début d’un autre, gai et chaleureux. C’était la fin, l’entrée dans le vertige, une descente aux enfers. L’enfant-objet DEVAIT faire son entrée dans le monde aux mille objets. Il était nécessaire comme le travail, la télévision, le réveil matin. Puisque désormais la femme avait le droit le choisir le moment d’une naissance, elle choisissait donc. Mais pourquoi la mort dans l’âme… ? Et pourquoi à trente ans ?
Trente ans… Pour qui sonne le glas des femmes, tout au moins des amies de Lucie. « Nous avons trente ans. Nous nous noyons lentement. Pourquoi ne pas nous noyer avec un môme ? » En effet, pourquoi pas ?
Lucie palpait son corps. « Après trente ans, c’est dangereux de faire un gosse. » Ce corps était encore ferme. Sa chair, très douce, ne renfermait ni varices, ni lourdeurs, ni aucun de ces insectes bizarres et irritants qui s’appellent maux ou maladies. Elle se sentait en forme après tout ! Elle montait encore les escaliers quatre à quatre. Elle pouvait marcher des heures sans ressentir la moindre fatigue. Elle n’avait pas un seul cheveu blanc. Elle avait toujours des fous rires. Et des accès de désespoir. Et des désirs de tout casser, de tout recommencer et de partir. Elle était en forme comme jamais elle ne l’avait été. Si vingt ans avait été l’âge de la dépression, trente ans était celui de la santé et du renouveau. Elle rattrapait ses vingt ans perdus. Elle rattrapait, avec violence, force et volonté. A trente ans, elle était enfin jeune. Et elle était amoureuse de plein d’hommes…
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♦ Carzon Joëlle © ♦
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