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XIII – Écrire – Alphonse – Les révoltés – La norme – Les futurs artistes

« Bon, je suis une bonne femme, dit un jour Sonia, mais une bonne femme bonne à quelque chose. Vous, vous êtes des bons à rien, mes chers artistes, mes discoureurs. Des bons à rien ! Depuis combien d’années est-ce que je vous entends parler de » l’œuvre »? De laquelle ai-je entendu parler en premier ? De celle de Lucie peut-être, Lucie que j’ai connue au C.E.S., Lucie malhabile et plutôt gourde qui un jour, en plein cœur de notre adolescence interminable, s’est trouvée tout à coup en train de m’avouer, toute rougissante cela va de soi, qu’elle écrivait. ÉCRIRE, le grand mot. La pauvre petite se croyait la seule à écrire ; même pas une décennie après, les décharges de mots de cette révolution si fameuse qu’elle nous fait bien rigoler aujourd’hui explosaient…

– Révolution, mon c… ! s’écria Alain. »
Lucie ricanait. Pierre se creusait la tête et se demandait s’il était né ou non en 68. Le mot « révolution » rendait Alphonse hilare.

« Lucie se croyait la seule adolescente à cacher des bafouilles dans ses tiroirs. Elle avait même écrit des nouvelles assez longues pour être considérées comme des romans. Elle s’apprêtait –ne riez pas surtout- à jouer au Camus féminin des années 70. Chère petite Lucie ! Mais qu’avions-nous à dire quand nous avions vingt ans ?

– Nous vivions encore chez nos parents, dit Lucie.
– Un comble ! Nous ne lisions même pas les journaux, car ça nous donnait le cafard. Lucie faisait l’effort d’acheter « Le Monde » une fois par semaine (le jour littéraire), mais elle tombait en poussières d’ennui à la troisième ligne. Que lisions-nous ? Balzac et Stendhal. Nous n’étions pas encore sorties des affres du lycée. Nous ne lisions pas de bandes dessinées, nous ignorions Topor ou Edika, nous allions de temps en temps au cinéma, mais pour voir quoi ? De pauvres Sautet, ou des films bon chic bon genre.
– Visconti par exemple, que j’étais persuadée d’aimer !
– Intoxiquées, je vous dis ! Et démoralisées au possible, c’est l’évidence.
– Pour me remonter le moral, je lisais Green et Bernanos, déclara Lucie.
– Qui sont ces loustics ? » dit Alphonse qui, en dehors de Salinger et Castaneda, ne touchait jamais la chose imprimée

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♦ Carzon Joëlle ©

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