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VI – Un conte
Un autre vieux se levait, un autre vieux racontait…
« Il était une fois, c’était dans les rues d’une ville, une jeune fille qui marchait, doucement. Des étoiles d’argent lui tenaient lieu de cheveux, son corps était pur comme l’eau d’un torrent. Les maisons de cette ville étaient obscures et la jeune fille ne voyait personne. Elle marcha longtemps sans rencontrer âme qui vive, longtemps, jusqu’à ce que soudain, au tournant d’une rue, elle rencontrât un homme et un enfant. L’homme avait des yeux de feuilles et tenait par la main l’enfant merveilleux. Le conte ne décrit pas cet enfant. C’était en tout cas un enfant fantastique qu’on ne pouvait oublier. La jeune fille fut frappée par le son étrange et métallique de sa voix d’enfant. Il portait un immense chapeau de soleil et, perché sur son épaule, un oiseau flamboyant grignotait son oreille. Les pieds nus de cet enfant étrange étaient couleur de lune. L’homme mit la main de l’enfant dans la main brune de la jeune fille et disparut.
La jeune fille ne pouvait rien dire, qu’à l’enfant de la suivre, et elle avait l’impression de posséder un trésor enchanté. Elle ne savait d’ailleurs que faire de ce trésor. L’enfant lui dit qu’elle était belle et qu’il l’avait toujours vue ainsi, belle. La jeune fille lui fit remarquer qu’il ne devait pas la connaître ; l’enfant lui répondit qu’il la connaissait, qu’il la voyait chaque jour, qu’il l’avait toujours connue, puisqu’elle était l’Amour. Il lui dit qu’elle était l’ Amour et lui, seulement un enfant. L’homme était parti et la jeune fille demanda à le revoir.
« Tu ne peux pas, répondit l’enfant. Cet homme est cruel et te ferait du mal. Je ne le veux pas. Viens plutôt chez moi, Belle… »
Il l’emmena et la jeune fille le suivit sans rien dire.
Chez lui, il y avait d’autres enfants étranges et une femme très laide, qu’il appela sa mère. La jeune fille voulait partir, car elle avait peur. Elle se mit à crier et l’homme arriva.
Il repoussa l’enfant qui la retenait et dit à la jeune fille de le suivre. Elle le suivit longtemps dans les rues de la ville. La main de l’homme serrait la main de la jeune fille et il lui faisait mal, mais elle voulait suivre cet homme et elle le suivit.
Au sortir de la ville, un chemin apparut. C’était un chemin tortueux au milieu des montagnes. La jeune fille cria adieu à la ville et se mit à courir. L’homme courait aussi, il avait lâché sa main et il chantait.
La jeune fille s’arrêta pour écouter son chant et s’endormit.
*
Lorsqu’elle s’éveilla, elle était allongée sur un trottoir et entourée de jeunes gens qui jouaient de la guitare. L’un d’eux lui fit un sourire et elle lui demanda où elle était. Il lui répondit qu’elle était dans la ville.
L’enfant, qu’elle n’avait pas vu tout d’abord, apparut soudain à ses côtés.
« Tu n’avais pas besoin de partir, lui dit-il. La ville est toujours là. Hier, il y avait la montagne. Mais hier est hier.
– Où donc est la montagne ? demanda la jeune fille.
– Nous l’avons détruite pour construire des maisons, répondit l’enfant.
– Où est l’homme ? demanda encore la jeune fille.
– Il est parti, dit l’enfant. Très loin. Il est parti seul, car tu dormais et son voyage était long. Tu n’aurais pu le suivre.
– J’aurais voulu le suivre », dit la jeune fille.
L’enfant lui dit que cet homme était cruel, qu’il lui aurait fait du mal et qu’elle était bien mieux avec eux, au milieu de leurs chansons.
Mais l’homme chantait sans guitare et sa voix était très belle. La jeune fille s’était endormie et s’était réveillée dans les rues de la ville.
*
Dans les rues d’une ville, une jeune fille marchait, doucement. Des étoiles d’argent lui tenaient lieu de cheveux, son corps était pur comme l’eau d’un torrent. Les maisons de cette ville étaient obscures et la jeune fille ne voyait personne. Elle marcha longtemps sans rencontrer âme qui vive, longtemps, jusqu’à ce que soudain, au tournant d’une rue, elle rencontrât un homme. L’homme avait des yeux de feuilles et tenait dans sa main un instrument de fer.
Il lui dit qu’il était revenu pour l’emmener. Elle lui demanda si lui aussi voulait détruire les maisons. Il leva l’instrument qu’il tenait dans sa main.
*
L’enfant hurlait de terreur. La jeune fille ne pouvait rien voir, car elle pleurait. Elle ferma les yeux.
Quand elle les rouvrit, il n’y avait plus rien. A l’horizon seulement, des montagnes et, près d’elle, l’homme qui souriait. Il lui reprit la main et ils partirent. La jeune fille cria adieu à la ville et se mit à courir. L’homme courait aussi ; il avait lâché sa main et il chantait. La jeune fille s’arrêta pour écouter son chant et s’endormit.
Lorsqu’elle s’éveilla, elle était allongée au bord d’un chemin, sur une herbe odorante. Elle se demanda où elle était et vit qu’elle était dans les montagnes. L’homme était près d’elle et la contemplait avec amour, immobile et silencieux.
Ils étaient seuls. »
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)
♦ Carzon Joëlle ♦
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