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X – La fin du voyage

… Mais bientôt, le temps accomplira la fin de son œuvre. La corolle aux teintes brillantes commencera à se friper. Elle demandera au monde un secours que celui-ci lui refusera, sachant très bien qu’on n’intervient pas dans une destinée. Elle-même se laissera emporter par l’évidence, sans désespoir, mais avec un visage de plus en plus fermé. Un passant indifférent pourra s’arrêter près d’elle et commencer à enlever chaque pétale. Il achèvera son ouvrage de destruction en les arrachant, avec impatience, perdant toute retenue dans sa hâte d’en finir ; et la corolle ne sera plus rien, qu’un lambeau, qu’une histoire.

L’officier regagna le hameau, fatigué ; il n’avait plus rien à faire là-bas. Les soldats l’accueillirent avec un certain soulagement : les gens du hameau, avec leurs attitudes rampantes et leurs figures aux traits figés, finissaient par leur faire peur et ils avaient hâte de quitter cet endroit. L’officier répondit avec impatience à leurs phrases d’accueil, refusa de dîner et de se coucher. Il marchait de long en large dans la maison la moins délabrée du hameau qu’on lui avait prêtée le temps de son séjour. Il savait ce qu’il devait faire pour apaiser sa conscience, il savait que cela ne servirait à rien. Le temps avait tout dévoré, sans pitié ; et maintenant tout allait s’éteindre. Pas la moindre flamme, pas la moindre étincelle, peut-être pas même le moindre bruit. Le dernier point rouge d’un tas de cendres, qui disparaît, c’est tout. Pas un soupir. Rien. Et après, le silence, un immense silence, un silence inviolable. Eternel. Pas de cris, aucune frayeur, pas de villages écrasés, pas de gens courant en tous sens, pas de tortures inutiles, d’incendies, d’affolement, de discours. Pas de foule mouvante, prête à fuir ou à s’aplatir devant de nouvelles divinités. Rien. Personne. Absence. Silence. Un grand silence…

Alors ce qu’il pouvait faire n’était qu’une lutte ridicule contre le temps. Les hommes s’étaient assez battus au fil des siècles, ils allaient enfin se reposer. Vraiment. Dormir… Comme ce rêve de sommeil, qui paraît parfois le seul rêve possible, est inquiétant, dangereux ! Une lutte ridicule contre le temps, acharné à vouloir sauver ce qui, de toute manière, va s’éteindre avant le reste.

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♦ Carzon Joëlle ©

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2 commentaires pour Déesse 11 (fin)

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    carzon le 

    Merci merci ! JOELLE C. (JC : nous avons les mêmes initiales.)

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    jcf le 

    Je suis d’accord avec vous… C’est un texte profond et très intéressant…
    Bravo à l’auteure (de 1976 et d’aujourd’hui)
    Amicalement,
    JC

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