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Chapitre III – Portrait de Sonia Ramais
Sonia n’aimait pas ma tête : elle trouvait que je faisais la gueule. Sonia n’avait pas aimé que je sois vierge à vingt-cinq ans (il faut dire que je la trouvais plutôt patiente de ce côté-là). Sonia n’aimait pas mes fautes de français quand je m’enflammais et me reprenait avec sévérité : “on ne dit pas…, mais…” Sonia n’aimait pas mes goûts (“t’es snob“…). Sonia ouvrait de gros yeux vengeurs quand je lui disais que “Mad Max” c’était bien, que c’était philosophique. Sonia n’aimait pas que je boive au lieu de fumer de l’herbe comme tout le monde. Sonia n’aimait pas mon choix de petit ami, Pierre, elle faisait pourtant partie de ceux qui me l’avaient jeté dans les bras.
Sonia n’aimait pas Pierre (elle fait semblant de l’aimer, elle y arrivera, comme tout le monde). Sonia n’aimait pas que je sois l’amie de Marc Valloire alors que c’était elle sa pote au collège de Conflans, alors que c’était elle qui avait fait du Latin avec lui (“toi, Lucile, tu n’as pas fait de Latin…”), alors que c’était elle qui avait bien rigolé avec lui quand ils avaient treize, quatorze, quinze ans… Est-ce que je méritais Marc (est-ce que qui que ce fût méritait Marc ?) ? Elle n’aimait pas que je n’aie pas couché avec lui, mais elle aurait détesté que je couche avec lui. Sonia n’aimait pas que je mange avec voracité et que je boive comme un trou en restant scandaleusement mince. Sonia n’aimait pas que je me plaigne sans arrêt (elle avait raison), mais elle-même était à elle toute seule un concert de plaintes à Notre-Dame.
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♦ Carzon Joëlle © ♦
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