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Elle se balança doucement. Pas au gré du vent, mais au gré de son humeur. Il faisait très doux. Ses pensées n’étaient pas douces. Elle songeait au mari parti, aux enfants qu’elle n’avait pas eus, au jardin qu’elle n’avait jamais possédé dans lequel il y aurait eu des arbres. Plus d’arbres qu’autre chose. Elle songea au roman qu’elle n’avait pas écrit. C’était un roman de quatre cents pages avec une héroïne antipathique. L’héroïne aurait eu de nombreux amants et plein d’aventures autres qu’amoureuses. Elle aurait bouffé du lion et du curé. Elle ne serait jamais entrée dans les églises, elle se serait mariée sous le regard des druides. Une héroïne aux noires pensées, pas aux pensées vagabondes. Lise se balança doucement. “Je n’ai pas de chance”, pensait-elle. Pas de chance, pas de chance, na nanaire, chance, chance… Ce livre, il aurait fallu l’écrire. Il aurait été sa bannière, sa vengeance. Personne n’aurait rapproché le personnage de l’héroïne d’elle. Tout le monde aurait dit : “Comme cette femme ne te ressemble pas ! C’est étonnant.” On se serait posé plein de questions. Qu’est-ce qu’il lui a pris ? Elle si charmante, elle si attentive à autrui, elle si docile, elle si fidèle… ! La plate Lise.

On lui avait prêté cette maison, on lui avait prêté ce jardin. “Tu es libre. Tu fais ce que tu veux. Tu invites qui tu veux.” Lise s’était creusé la tête : qui inviter ? Lucien qui se rongeait les ongles, Maggie qui révolutionnait les cuisines, Maud qui aurait obligatoirement emmené un amant… ? Et si, après tout, elle commençait un roman ? Lise eut un petit sursaut. Elle l’imaginait déjà, vu son humeur : à la première personne, geignard, bêtement poétique, sentant la guimauve, avec un bel homme, genre bellâtre : quelle horreur !

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♦ Carzon Joëlle ©

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