Elle avait de grands yeux de biche. Il avait fait sa connaissance peu de temps auparavant. Un matin, son maître lui avait dit : viens, nous allons à la ferme des Giovanni. Il s’en faisait une fête, car il aimait gambader derrière le vélo de son maître, même si cela le fatiguait de plus en plus.

Ils étaient entrés dans la cour de ferme, et c’est là qu’il l’avait vue… Paralysé par l’émotion, il n’osait s’approcher d’elle, et c’est elle qui avait fait les premiers pas.

C’était une chienne magnifique, berger allemand, à la croupe racée, à la robe feu, aux pattes élancées, et puis elle était si jeune, et lui n’était qu’un vieux colley qui commençait à sentir la fatigue des ans…

Elle s’était approchée, l’avait jaugé, flairé, examiné sous toutes les coutures. Il ne bougeait pas, anxieux de sa décision. Et lorsqu’elle lança un petit aboiement joyeux pour lui signifiait sa sympathie, il se sentit fondre d’amour pour elle.

Et aujourd’hui, ils cheminaient côte à côte le long du canal. Elle, libre comme le vent, l’allure décidée, prête à toutes les audaces, lui traînant sa laisse rongée comme un boulet, haletant, épuisé par cette longue course.

Reposons-nous un peu, la supplia-t-il…
Non répondit-elle, viens jusqu’au pré, là-bas nous y gambaderons tout à loisir.
– Mais nous sommes loin de la maison…
– Aurais-tu peur ?
– Non, mais les voitures m’effraient…
– Continue d’avancer, je vais me mettre entre la route et toi, car moi je n’ai pas peur…

Il fondait de reconnaissance envers elle, et trouvait qu’il avait bien de la chance…

Ils arrivèrent enfin au pré, et là ils purent gambader, se faire mille caresses… et le pauvre vieux chien se sentait de plus en plus épuisé…

C’est alors qu’ils le virent : un chien-loup à la robe presque noire, jeune, ardent, qui s’avançait vers eux sans crainte aucune.
Il tourna autour d’eux, les flaira, et partit dans une galopade folle autour du pré, pour s’arrêter brusquement à quelques pas du couple.
La chienne regardait son vieux compagnon épuisé par leurs jeux, et, perplexe, se tournait vers le jeune chien-loup, ne sachant que faire…

Alors brusquement elle quitta le vieux colley, et rejoignit le jeune chien, et sans un regard en arrière, ils partirent le long du canal.

Le vieux chien sentit monter en lui une vague de tristesse… Il s’allongea sur l’herbe humide, et sut qu’il venait de vivre là ses derniers instants de bonheur …

♦ Gisèle VENEROSY ♦

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